Le mardi 21 mars dernier, Nadir, un élève de 17 ans qui passait son épreuve de Bac éco-droit au lycée Gaston-Berger de Lille est décédé d'une crise cardiaque.
Résumons les faits : à 14h00, après avoir passé sa matinée à réviser, Nadir commence son épreuve. À 14h15, il tombe de sa chaise. Ses problèmes cardiaques (il souffrait d'une cardiopathie sévère) étaient connus des autres élèves et de l'équipe éducative. Cependant aucun-e des 8 adultes dans la salle n'intervient, laissant ainsi Nadir au sol pendant plus d'une demi-heure. Parmi les 70 autres élèves qui étaient présent-es dans la salle, certain-es ont tenté à de multiples reprises de venir au secours de Nadir, en interpellant l'équipe éducative, mais aussi en quittant leur place. Les 8 adultes présent-es dans la salle leur interdisent d'intervenir. C'est finalement la CPE qui arrive en courant pour constater les faits et qui appelle les secours. Les élèves sont déplacé-es dans une autre salle, et malgré le choc qu'ils et elles viennent de vivre, on les oblige à continuer l'épreuve. Ces dernier-es refusent et quittent la salle en signe de protestation. Leur épreuve sera finalement décalée à la semaine suivante. A 19h00, Nadir décède à l'hôpital.
Tout ceci montre que ce décès ne relève pas d'un simple accident, mais aurait pu être largement évité. À tout moment, un-e membre de l'équipe de surveillance aurait pu intervenir pour appeler les secours ou pratiquer un massage cardiaque. Cette non-intervention du personnel éducatif dénote un manque flagrant de formation de ce dernier, et en particulier de nous, AED, à des situations comme celles-ci. Pourtant, notre travail en tant qu'AED, et membre du personnel éducatif en général consiste tout d'abord à aider, écouter, conseiller et orienter les élèves, et pas uniquement à les surveiller.
Ce rôle qui nous est confié est important dans le développement des futurs jeunes adultes et pour leur intégration dans la société. Aussi, comment ces jeunes peuvent-iels se développer correctement si la majeure partie du corps éducatif ne leur porte pas une confiance. Comment pouvons-nous bien effectuer notre travail si nous apprenons à douter en permanence de la parole des élèves, à ne pas les croire, ne pas leur faire confiance et de manière générale à ne pas les écouter.
Cette méfiance générale envers la parole des élèves est encore plus prononcée lorsqu'ils s'agit d'élèves racisé-es qui subissent de nombreuses discriminations et stéréotypes.
Pour finir, la mort de Nadir est un cas extrême et rare, mais qui résulte néanmoins de la violence quotidienne que les élèves reçoivent de la part du personnel éducatif. Chaque jour nous sommes nombreuxes à faire des blagues sur le fait que nous ne pouvons pas croire la parole des élèves, et à en rire. Ces blagues, en apparence inoffensives, s'inscrivent dans un continuum de violences à l'égard des élèves, qui peuvent mener à des actes bien plus graves et bien plus extrêmes, et qui au final poussent à des démissions, des décrochages scolaires, des dépressions, des suicides, ou à des cas comme celui de Nadir, que l'on peut qualifier de non-assistance à personne en danger.
Il est important de reconsidérer notre rapport aux élèves, d’exiger des formations pour les AED et des moyens suffisants pour l’éducation nationale.